Marie-Louise Pelus-Kaplan (1945-2024)
Les membres du laboratoire ICT-Les Europes dans le monde ont la tristesse de faire part du décès de leur ancienne collègue, directrice, et directrice de l’UFR GHSS, Marie-Louise Pelus Kaplan, survenu le 17 février 2024.
Normalienne (Sèvres), Marie-Louise Pelus-Kaplan avait été reçue deuxième à l’agrégation en 1969. Elle avait soutenu sa thèse en 1975 intitulée « Wolter von Holsten, marchand lübeckois dans la seconde moitié du XVIe siècle. Contribution à l’histoire des relations commerciales entre Lübeck et les villes livoniennes ». Sa thèse avait été co-éditée en français par l’École Normale Supérieure de Jeunes Filles et par Böhlau dans la collection d’Histoire de la Hanse (« Quellen und Darstellungen zur Hansischen Geschichte »), ce qui reste un cas unique.
D’abord assistante, maîtresse de conférences puis professeure à l’université de Picardie (1992), elle était devenue professeure à l’université Paris 7 Denis Diderot en 1994 au sein de laquelle elle exerça jusqu’à sa retraite en 2009.
Elle était spécialiste de l’histoire de la Hanse et du commerce du Nord dans la première modernité et avait gagné une réputation d’experte bien au-delà des frontières de la France. Son insatiable curiosité l’avait également conduite à s’intéresser à l’histoire des Provinces-Unies, de la Pologne et de la Russie.
Enseignante investie pleinement, elle avait participé au jury de l’agrégation 2001-2004, publié un manuel régulièrement cité dans les bibliographies de concours, L’Europe du XVIe siècle, Hachette, 2007, et fait soutenir quatre thèses entre 2004 et 2013 (dont celles de nos collègues Eric Schnakenbourg, en 2004 et Vincent Demont, en 2008).
Parallèlement à ses activités de professeure et de chercheuse, Marie-Louise Pelus-Kaplan avait aussi pris en charge de nombreuses tâches administratives. Directrice de l’UFR GHSS dans les années 1990, elle fut aussi la cheville ouvrière de la fusion de 2005 entre le laboratoire « Sociétés occidentales » (créé en 1992 et dont elle était directrice depuis 2002) et le Centre d’Etudes et de Recherches intereuropéennes contemporaines (CERIC) (UFR EILA). Directrice du nouveau laboratoire ICT de 2005 à 2008, elle mit en œuvre sa volonté d’ouverture, favorisant le décloisonnement disciplinaire, les synergies entre laboratoires et institutions et le développement des études transnationales. Ces orientations ont structuré le laboratoire ICT et inspirent ses politiques actuelles.
Toujours prête à appuyer l’effort collectif, Marie-Louise Pelus-Kaplan avait initié le colloque international organisé par ICT, en 2006, « Étrangers. Contacts et regards croisés. Visiteurs, réfugiés, travailleurs contraints de l’Antiquité à nos jours », publié dès 2008 (Anna Caiozzo, Liliane Crips, Florence Gauthier, Pilar Gonzalez-Bernaldo, Natacha Lillo, Manuela Martini, Marie-Louise Pelus-Kaplan dir., Étrangers et Sociétés. Représentations, coexistences, interactions dans la longue durée, Rennes, PUR, 2008).
Elle avait aussi joué un rôle clé dans plusieurs projets interdisciplinaires fédérateurs. Ce fut le cas en 2010, aux côtés de Liliane Crips et Nicole Gabriel, pour le projet financé par l’université Paris Diderot « Aux frontières orientales de l’Europe. Migrations et mutations dans les espaces post-communistes : réalités et représentations, réunissant plusieurs laboratoires, ICT, l’URMIS, le CSPRP, le LADYSS, qui s’était clos par le colloque international, « Aux frontières orientales de l’Europe : migrations et mutations dans les espaces post-communistes. Réalités et représentations », avec le soutien de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) et de la Mairie de Paris.
Marie-Louise Pelus-Kaplan avait aussi animé plusieurs enquêtes collectives à partir de l’axe 1 du laboratoire, notamment au sein du LABEX DynamiTE, dans la thématique « Echanges, flux, mobilités : nouvelles territorialités et réinvention de l’habiter, de la production et des déplacements » et contribué à impliquer ICT dans le GIS Collège international des Sciences du Territoire CIST (2010) dont l’université Paris Diderot était un partenaire fondateur.
En 2012, elle mettait en place avec Sophie Coeuré, Claudine Delphis, Arnaud Passalacqua et Michel Prum un séminaire sur le thème « Du cosmopolitisme à l’internationalisme. Peut-on être « citoyen du monde » à l’heure des mondialisations ? (XVe-XXIe siècles) » dont les actes furent publiés dans la revue Encyclo, de l’ED 382, sous le titre Êtrecitoyen du monde (avec Anne-Marie Bernon Gerth, Liliane Crips et Nicole Gabriel). Très attachée au lancement de cette revue, elle avait aussi appuyé la création de Sociétés Plurielles en collaboration avec l’INALCO https://societes-plurielles.episciences.org/
Signe de son attachement aux collaborations interdisciplinaires, elle avait récemment publié avec notre collègue Dominique Rivière, géographe, De Rome à Lübeck et Dantzig. Politiques et processus de patrimonialisation dans les villes historiques d’Europe de 1945 à nos jours, Presses de l’Inalco, 2019. http://www.inalco.fr/publication/rome-lubeck-dantzig
Excellente germaniste, Marie-Louise Pelus-Kaplan a contribué, aux côtés de Marie-Claire Hoock-Demarle, de Jochen Hoock et de Mathieu Arnoux à établir l’université Paris-Diderot comme un centre d’études et de formation sur les mondes germaniques reconnu des deux côtés du Rhin. Elle a ainsi suscité des vocations d’enseignants-chercheurs et donné le goût du Nord à des générations d’étudiants. Son expertise s’exprimait aussi régulièrement dans les pages de la revue Francia de l’Institut historique allemand de Paris.
Elle aimait nouer des liens au-delà des frontières nationales, universitaires et disciplinaires, tout comme elle savait cultiver les amitiés. Elle avait continué ses activités de chercheuse après son départ à la retraite, contribuant encore et toujours au dialogue scientifique international, et notamment franco-allemand : elle était devenue en 2015 correspondante en France de l’Association d’Histoire de la Hanse (Hansischer Geschichtsverein) et de l’Association d’Histoire de Lübeck (Verein für Lübeckische Geschichte und Altertumskunde). À l’université, elle continuait d’animer un séminaire dans son domaine privilégié « Histoire et civilisation du monde germanique du Moyen Âge à nos jours : méthodologie et problématiques ». Elle poursuivait aussi son implication auprès des étudiants, en acceptant de co-encadrer des mémoires de master (Aurélie Massie a ainsi bénéficié d’une formation de haut niveau en paléographie, lui permettant d’intégrer l’École nationale des chartes, de finaliser une thèse à ICT et d’entrer à l’INP en spécialité Archives ; Yohann Guffroy a effectué un excellent master Erasmus au Danemark, sur les représentations de la Scandinavie dans les récits des voyageurs anglais, avant de mener une thèse brillante ICT/EPFL et de poursuivre en post-doctorat).
Nous qui l’avons connue comme collègue, enseignante et comme directrice de recherche, garderons le souvenir de sa générosité, de sa droiture, de sa vivacité intellectuelle et de son dévouement.
Hommage rédigé par Liliane Hilaire-Pérez et Indravati Félicité.