Jochen Hoock (1939-2019) a illustré, à l’université Paris Diderot et plus particulièrement au sein du laboratoire Identités-Cultures-Territoires (ICT), la construction au XXe siècle d’une nouvelle Europe universitaire.
Époux de Marie-Claire Hoock-Demarle, universitaire française spécialisée dans les études germaniques, il a été lui-même l’illustration vivante des collaborations scientifiques franco-allemandes qui se sont développées à partir des années 1960/1970. Tout en poursuivant en Allemagne des études de droit (Heidelberg) et d’histoire sous la direction de Reinhart Koselleck, il suit en France à Paris les cours de l’Institut d’Études Politiques et participe très activement à l’EHESS au séminaire de Pierre Jeannin, ce qui l’amène à réaliser, pour sa thèse d’habilitation, un travail de recherche consacré aux marchands et au commerce de Rouen aux XVIIe et XVIIIe siècles. Chargé de cours d’histoire à l’Université Paris I, il n’en poursuit pas moins parallèlement, en Allemagne, une brillante carrière universitaire dans les universités de Bochum, Heidelberg, Bielefeld puis Paderborn. En France, il contribue à faire connaître l’apport de Reinhart Koselleck à la théorie de l’histoire en publiant avec Marie-Claire Hoock-Demarle une traduction française de son ouvrage Le Futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques (Paris, Éd. de l’EHESS, 1990).
C’est en 1992 qu’il est élu à l’Université Paris 7-Denis Diderot sur un poste de professeur d’histoire moderne, qu’il occupera jusqu’à sa retraite, prise en 2007. Il assume dans notre Université de hautes fonctions : membre du CS, il devient Vice-Président chargé de la Recherche et fonde en partenariat avec l’Université de Bielefeld le cursus intégré franco-allemand « Histoire », qui connaît vite un vif succès, non démenti jusqu’à aujourd’hui même. Jochen Hoock avait participé avec Reinhart Koselleck, à partir de 1969, à la fondation de l’Université de Bielefeld, université interdisciplinaire fondée sur le même modèle que l’Université Paris Diderot. Pendant cette période, Marie-Claire Hoock-Demarle, Vice-Présidente-Formation du secteur LSH et présidente des germanistes de l’enseignement supérieur, contribue avec force à cette initiative. Jochen Hoock délivre alors aussi, des cours d’histoire européenne comme « Professeur Jean Monnet » de la Communauté économique européenne.
Devenu directeur à sa création en 1993, de l’équipe d’accueil Sociétés Occidentales qui formera ICT par fusion avec le CERIC, Centre d’Etudes et de Recherches Intereuropéennes Contemporain, fondé par Marie-Claire Hoock-Demarle, Jochen Hoock anime, au sein de son séminaire de master et doctorat, des recherches portant notamment sur l’histoire économique et sociale de l’Europe médiévale et moderne, tout en organisant des activités et des rencontres scientifiques pluridisciplinaires. Avec Pierre Jeannin, il met en route et réalise la monumentale publication Ars Mercatoria, une encyclopédie des savoirs marchands depuis la fin du Moyen Âge, soutenue par divers organismes de recherche allemands (fondation Volkswagen, Bibliothèque de Wolfenbüttel, DFG) et français (CNRS, EHESS, CRH, IHMC).
Avant et surtout après son départ en retraite, il a joué un rôle important comme président de la fondation « Pour la Science » et en tant que tel, membre des comités éditoriaux de la Revue de Synthèse et de la collection L’Évolution de l’Humanité. Toujours actif et soucieux d’appuyer la recherche collective, il avait rejoint en 2015, le projet de traduction et de publication du célèbre essai du caméraliste Johann Beckmann (1806), soutenu par l’Institut des Humanités, Entwurf der allgemeinen Technologie.
Par sa grande culture et sa volonté affirmée de promouvoir les échanges universitaires et scientifiques internationaux, par son souci de développer l’interdisciplinarité, Jochen Hoock a joué dans l’histoire de notre université et de notre laboratoire un rôle qu’il ne nous est pas permis d’oublier.
Marie-Louise Pelus-Kaplan
(avec la collaboration de Liliane Hilaire-Pérez, Marie-Noëlle Bourguet, Indravati Félicité, Mathieu Arnoux, Charlotte de Castelnau-L’Estoile)