Le colloque « L’imprimerie et l’Egypte. Circulations typographiques méditerranéennes durant le long XIXe siècle », organisé en collaboration avec l’IFAO, s’inscrit dans le cadre de l’ANR « Des Indes linguistiques » (2021-2025) (cf. https://indesling.hypotheses.org/).
Elle est la première d’un cycle de trois rencontres, centrées chacune sur un pôle de ces circulations, les prochaines journées ayant lieu à Florence (Biblioteca Laurenziana, avril 2024) et Rome (avec la collaboration de l’EFR, juin 2024).
Le cas égyptien est particulièrement intéressant vis-à-vis de ces circulations, et ce au cours de trois grands moments, au cœur de ce colloque, tournés chacun vers des questions typographiques différentes, et permettant d’interroger les effets concrets de ces mobilités techniques et humaines.
Le premier est celui de l’Expédition d’Egypte (1798-1801) et de ses prolongements. Une imprimerie est installée, au cours de l’Expédition, à Alexandrie puis au Caire, et conduit à un transfert de poinçons, arabes en particulier, et de typographes, parisiens mais également romains. Les effets de cette expérience typographique s’inscrivent dans le temps long. A Paris, d’un côté, où les acteurs « égyptiens », dans leur diversité, jouent un rôle fondamental, à leur retour, dans la structuration de l’« atelier oriental » de l’imprimerie « nationale » : de Jean-Joseph Marcel (1776-1854), nommé directeur de l’Imprimerie impériale, et qui participe à l’entreprise éditoriale au long cours de la Description de l’Egypte, coordonnée par Jomard ; au « Réfugié égyptien », Mikhel Sabbagh (1784-1816), collaborateur de l’orientalisme européen, qui travaille un temps à l’imprimerie. Au Caire, d’un autre côté, la fondation des presses de Būlāq en 1821 repose aussi sur une expertise construite de part et d’autre de la Méditerranée. Niqula al-Masabiki (m. 1830) est ainsi passé durant quatre années par Milan ; quant à Raphaël Anṭūn Zaḫūr Rāhib, dit dom Raphaël de Monachis (1749-1825), membre, lui, de l’Institut d’Egypte au cours de l’Expédition, il s’installe ensuite, un temps, à Paris, où il occupe la chaire d’arabe vulgaire à l’École des langues orientales, avant son retour au Caire. Ces échanges sont prolongés, ensuite, par la première « mission égyptienne » de 1826, constituée par Méhémet Ali (r. 1805-1848), et accueillie par Jomard (1777-1862).
Pour partie prolongement également de l’Expédition, puisque c’est en 1799-1800 que la pierre de Rosette avait été découverte et que Marcel en avait prélevé une empreinte, le deuxième moment d’échanges nourris concerne les hiéroglyphes. Le déchiffrement de 1822 se fait avant que Champollion n’ait parcouru l’Egypte, ce qu’il ne réalise qu’en 1828. Les sources rapportées de Haute-Egypte sont imprimées à Paris au retour. Les documents conservés, dans différents fonds d’archives, permettent de reconstituer en détails le passage des relevés sur les monuments aux dessins des hiéroglyphes et à leur version imprimée : lithographique, avec la Grammaire égyptienne éditée par Didot (1836) ; ou typographique, grâce à l’utilisation des poinçons hiéroglyphiques de l’Imprimerie royale. Ces derniers sont dessinés entre 1842 et 1852 par Dubois et Devéria et gravés par Delafond et Ramé fils.
De nouveaux poinçons sont réalisés, plus tard, au Caire-même, et ce colloque sera l’occasion, enfin, d’insister sur le moment de la mise en place, à partir de 1898, des presses de l’IFAO. Emile Chassinat (1868-1948), lui-même ancien compositeur orientaliste à l’Imprimerie nationale, est à la manœuvre et incarne ces échanges récurrents ensuite avec l’imprimerie parisienne, de matériel et de personnel, durant un siècle.
Le colloque offrira l’opportunité de visiter cet ancien atelier typographique « plomb », récemment restauré.
Mercredi 26 avril
14h Mot d’accueil d’Abbès Zouache, directeur des études de l’IFAO
Introduction Fabien SIMON (ICT-Les Europes dans le monde, Université Paris Cité)
Présidence Malak Labib (membre scientifique de l’IFAO)
14h30 Patrice Bret (Centre Alexandre Koyré/EHESS-CNRS-MNHN)
« Les imprimeries françaises de l’expédition d’Egypte : matériels, acteurs et productions de la typographie orientale »
15h15 Paul-Marie Grinevald (ancien conservateur de la bibliothèque de l’Imprimerie nationale) (à distance)
« Jean-Joseph Marcel et la Description de l’Égypte »
Pause café
16h15 Fabien Simon (ICT-Les Europes dans le monde, Université Paris Cité)
« L’Egypte à Paris : prolongements typographiques de l’Expédition d’Egypte (1801-1826) »
17h00 Ahmed Mansour (Directeur du Writing and Scripts Center, Bibliotheca Alexandrina)
« History of Arabic Printing: Views from the West and the East (with special focus on the Bulaq Press) »
Jeudi 27 avril
Présidence Magdi Guirguis (Université de Kafr el-Cheikh)
9h30 Titus Nemeth (créateur de caractères, typographe et chercheur indépendant)
« A closer look at the second fount used at Būlāq in the mid-nineteenth century: towards the systematic investigation of historical Arabic foundry types »
10h15 Vanessa Desclaux (chargée de collections Proche et Moyen-Orient, service des manuscrits orientaux, BNF)
« Imprimer l’Egypte de Champollion : données nouvelles autour des fonds Didot de la Bibliothèque de l’Arsenal »
Pause café
11h20 Pierre Fournier (UPR Projekt, Université de Nîmes et LabEx Archimede, Université Paul-Valéry Montpellier 3)
« Le contour des hiéroglyphes : 1842-1852 »
12h05 Jordan Slimani (Université Paris Cité)
« L’imprimerie de l’IFAO et l’Imprimerie nationale : circulations de matériel, d’acteurs et de savoir-faire linguistiques et techniques (XIXe-XXe siècles). »
Déjeuner
14h30 Visite et démonstration de l’atelier typographique de l’IFAO